Renforcer la résilience des supply chains pharmaceutiques

Dans notre article précédent, nous avons détaillé les enjeux spécifiques de la logistique du froid pharmaceutique, liés notamment à la maîtrise des températures. Respecter la chaîne du froid, conformément aux réglementations en vigueur, nécessite en effet d’investir dans des infrastructures sous température dirigée, des véhicules adaptés et des outils de traçabilité.

La pandémie, qui a joué un rôle d’accélérateur de tendances, a démontré l’importance d’une logistique performante. Les acteurs du secteur de la santé ont dû se montrer résilients et réorganiser leur supply chain pour gagner en efficacité. Mais depuis cet évènement sans précédent, l’enjeu aujourd’hui est de passer d’une situation défensive (répondre à un événement quand il se produit) à une approche d’anticipation et de proactivité (anticiper un événement avant même qu’il ne se produise) afin de mieux faire face aux perturbations dans la chaîne d'approvisionnement.

Quelles perspectives et enseignements tirer de la pandémie ?

Les chaînes d’approvisionnement ont toujours fait l’objet d’une attention particulière qui s’est exacerbée lors de la pandémie. Limiter au maximum les conséquences de ces événements imprévus est essentiel.

Des supply chains fragilisées, confrontées aux perturbations

Dans une économie devenue mondialisée, la crise a montré à quel point la flexibilité et la capacité d’adaptation d’une supply chain étaient primordiales dans le domaine de la santé. Portée par l’accélération du développement des vaccins contre le Covid-19, la logistique s’est réorganisée en urgence pour les stocker et les distribuer dans des conditions appropriées, car des vies étaient en jeu.

En France par exemple, les capacités n’étaient pas suffisantes pour recevoir, conserver et distribuer les vaccins dans le respect des cahiers des charges des produits pharmaceutiques. Des scénarii de mobilisation rapide ont donc été nécessaires.

Les mesures prises pour faire face à cette volatilité soudaine du marché à l’échelle mondiale, aux perturbations des transports internationaux et à l’urgence ont démontré une capacité d’adaptation de la chaine d’approvisionnement.

Néanmoins, l’absence de plan de continuité dans certains cas a amplifié les risques pour certains acteurs et perturbé leur chaine d’approvisionnement.

De plus, les processus longs et contraignants de qualification et de validation des éléments de la chaine d’approvisionnement comme les flux, les emballages et les infrastructures constituent le frein principal à l’agilité de la supply chain pharmaceutique. Ces processus de validation, fixés par les autorités de santé, deviennent par ailleurs de plus encore plus drastiques.

Un marché en constante évolution exacerbée par la pandémie

Depuis 2013, date à laquelle les réglementations autour des produits de santé thermosensibles ont été renforcées (elles concernent depuis environ 80% des médicaments), le marché de la logistique à température contrôlée a quant à lui augmenté de 40%. Cette obligation de mise en conformité peut devenir encore plus contraignante en période de crise, ou prendre encore plus de temps. L’anticiper, en préqualifiant les fournisseurs ou en leur confiant cette qualification en amont par exemple, permet de mieux se préparer et de continuer à assurer des livraisons d’excellente qualité et dans les temps.

Par ailleurs, avec l’essor des biosimilaires, des thérapies cellulaires, ou encore des vaccins à ARN messager, des enjeux inédits naissent et les façons de fiabiliser et sécuriser la distribution de ces produits thermosensibles évoluent.

Quelles solutions pour une supply chain pharmaceutique agile et pérenne ?

L’agilité des supply chains est primordiale dans un contexte international qui voit les perturbations se multiplier au cours de ces dernières années, sans compter l’aspect sensible et souvent urgent des produits pharmaceutiques. En augmentant la capacité de stockage et de transport, les chaînes d’approvisionnement deviennent à long terme plus robustes et flexibles.

La sécurisation des infrastructures et des moyens logistiques

Même confrontés à de nouveaux défis, les laboratoires pharmaceutiques doivent pouvoir s’appuyer sur une supply chain sécurisée et durable. Il leur est crucial en effet de garantir une mise à disposition des matières premières et des matériels de conditionnement tout au long du processus de fabrication d’un médicament qui est aujourd’hui fragmenté, puis de garantir la mise à disposition des traitements aux patients.

Afin de fiabiliser leur supply chain et assurer un approvisionnement régulier de leurs marchés cibles, les laboratoires pharmaceutiques peuvent bénéficier de l’appui d’un partenaire logistique qui sécurise et optimise ses moyens physiques, propose une offre globale de transport (routier, aérien et maritime) et met à disposition des infrastructures et flottes dédiées. Ce prestataire sera aussi en mesure d’offrir des solutions d’emballage capables de maintenir les niveaux de température requis.

Fin 2020, en adaptant ses infrastructures existantes, GEODIS a proposé une réponse rapide et fiable aux autorités sanitaires françaises (Santé Publique France). En trois semaines, son campus pharmaceutique de Val de Reuil a été équipé de conteneurs réfrigérés à -20°C et de freezers à -80°C. Ces installations ont ensuite été vérifiées et qualifiées en un temps record. Des solutions nouvelles qui s’avèrent aujourd’hui être pérennes.

La croissance du marché pharmaceutique impacte fortement les besoins en capacité qui engendrent des investissements conséquents. Car l’enjeu est double : d’une part, respecter la température de conservation des produits pharmaceutiques et d’autre part, réduire l’impact énergétique des systèmes de froid. En effet, certains médicaments nécessitent d’être conservés dans des entrepôts ambiants (15-25°C) quand d’autres nécessitent d’être conservés dans des freezers (jusqu’à -80°C) ou dans des chambres froides (2-8°C). La spécificité des produits pharmaceutiques impose de garantir la chaîne du froid de façon permanente. C’est la raison pour laquelle les installations frigorifiques sont équipées de sondes et d’enregistreurs. Ceci induit des investissements importants dans des freezers et l’augmentation progressive des capacités en chambre froide. La multiplication des partenariats sur le long terme permettra ainsi aux prestataires logistiques d’investir dans ces différents segments du marché pharmaceutique.

Cependant cette complexité soulève d’autres réflexions plus profondes, comme l’impact environnemental du secteur dans son ensemble. Les experts logistiques sont à ce jour tiraillés entre l’urgence vitale de certaines situations, et une chaîne du froid très énergivore. Concilier ces deux exigences reposera certainement sur le recours à des carburants plus verts pour tous types de transport, le développement de flottes électriques et le déploiement de solutions d’emballage plus respectueuses de l’environnement. L’optimisation des chargements, le zéro défaut dans l’exécution restent des leviers d’action au quotidien.

L’accélération de la digitalisation pour gagner en visibilité et en productivité

Une gestion rigoureuse des données fut essentielle pour déployer avec succès les vaccins contre la COVID-19. A l’heure de la mondialisation où les chaînes logistiques sont très sensibles aux perturbations liées aux flux d’approvisionnement, la technologie permet de réduire les risques et d’optimiser la gestion de ces flux tout en améliorant la qualité de service vers le patient.

L’accélération des livraisons de vaccins combinée aux contraintes spécifiques de conservation des vaccins de type ARN messager a poussé les prestataires logistiques à innover. Ces derniers ont renforcé, notamment grâce à la blockchain (un système permettant de stocker et de transmettre des données de façon sécurisée), le suivi de l’intégrité physique de ces produits sensibles tout au long de la chaîne.

Au regard de la sensibilité et de l’exposition au risque des produits pharmaceutiques dans la chaine d’approvisionnement, la digitalisation des opérations et des processus prend tout son sens.

Les nouvelles technologies offrent en effet de multiples avantages :

• Plus grande visibilité sur les flux de produits pharmaceutiques grâce à des systèmes d’information et des outils de traçabilité de la supply chain en temps réel, via un point de contact unique, qui permettent de suivre pratiquement en temps réel les expéditions.
• Traçabilité garantie et contrôle des flux de bout en bout en appui d’objets connectés (Internet of things – IoT). Il s’agit d’un réseau d’objets équipés de capteurs qui permettent, par la remontée des informations de température, de localisation et des conditions de transport dans le respect des Bonnes Pratiques de Distribution (BPD). Ces dernières constituent un ensemble de normes pour l'approvisionnement, la manipulation, le stockage et le transport des médicaments à usage humain et de leurs principes actifs. Les titulaires de licences et d'autorisations de vente en gros doivent respecter ces normes afin de garantir la qualité, la sûreté et la sécurité des médicaments au long de la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique.
• Productivité accrue via le principe d’« agrégation pharmaceutique » qui permet des gains de productivité à la réception des commandes par le destinataire final. Selon ce procédé, chaque participant de la chaîne logistique (fabriquant, prestataire logistique, vendeur…) reprend l'information du prédécesseur en y ajoutant ses propres données. Chaque agrégat de données est sauvegardé dans une base de données avant d’être transmis à l’acteur suivant dans la chaîne logistique. Toutes les données nécessaires peuvent donc être obtenues en quelques secondes simplement en scannant le code à barres, ce qui entraîne un important gain de temps et de ressources. Les retours ciblés ou les rappels de médicaments spécifiques par exemple sont également facilités. Cette méthode empruntée à la sérialisation est utilisée dans la lutte contre la contrefaçon car elle permet d’identifier et d’authentifier à chaque étape les médicaments. Elle est par ailleurs stratégique lorsqu’on sait que plus de 10% des médicaments en circulation dans le monde seraient des faux.