15/09/2023
Comment optimiser la Supply Chain du médicament pour prévenir les pénuries ?
La Supply Chain : un levier essentiel contre les pénuries de médicaments.
Les années 1980 ont été marquées par la mondialisation des chaînes d’approvisionnement et, avec elle, l’externalisation massive de la production dans des pays où les salaires sont moindres et les normes sociales moins exigeantes. Les entreprises pharmaceutiques n’ont pas échappé à cette tendance, dont le principal objectif est de minimiser les coûts. Cependant, en délocalisant la production des principes actifs et la fabrication des médicaments, elles se sont exposées à des risques majeurs : perdre leur indépendance, leur savoir-faire et leur capacité à sécuriser leur production.
La France, désormais 5ème producteur mondial de médicaments, a ainsi perdu sa souveraineté sanitaire. Selon le directeur général des Entreprises du Médicament (Leem), l’Hexagone dépend essentiellement de la Chine et de l’Inde - à hauteur de 40% en matière de médicaments, et de 60 à 80% en matière de principes actifs. La pandémie de Covid en 2020 a révélé de façon brutale cette vulnérabilité (qui n’est pas propre à la France), entraînant des pénuries d’un grand nombre de Médicaments d’Intérêt Thérapeutique Majeur (MITM). L’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM) a ainsi reçu pas moins de 2446 signalements de rupture ou de risque de rupture de stock de MITM en 2020, contre 1504 l’année d’avant (+ 162%) et 871 en 2018 (+280%). En 2008, elle n’en avait reçu que 44 !
Antibiotiques, cortisone, paracétamol… en 2022, environ 3 000 molécules ont manqué à l’appel. Selon une étude de l’observatoire de France Assos Santé, 37% des Français ont été confrontés à une pénurie en 2023, alors qu’ils n’étaient que 25% en 2018. Et parmi eux, 45 % ont dû modifier leur traitement ou y renoncer.
Si les acteurs de la Supply Chain n’ont pas la main sur l’ensemble de la chaîne logistique pharmaceutique, ils peuvent cependant agir sur certains aspects et contribuer à son amélioration.
La rupture d’approvisionnement, un risque inhérent à l’externalisation ?
Le médicament suit un circuit spécifique, au cours duquel interviennent de nombreux acteurs :
- les fabricants de substances actives, pour la plupart localisés en Chine et en Inde ;
- les fabricants de produits finis qui assurent le conditionnement et le packaging, dont une grande partie se trouve également dans ces deux pays d’Asie, une autre dans les pays de l’Est ;
- les exploitants ;
- les dépositaires qui assurent les opérations de stockage et de distribution ;
- les grossistes-répartiteurs ;
- les importateurs...
Ainsi, l’externalisation à outrance a rendu la chaîne pharmaceutique de plus en plus complexe et dispersée, entraînant une perte de maîtrise sur l’ensemble du processus : la moindre défaillance momentanée de l’un des maillons suffit à paralyser l’ensemble de la chaîne et peut entraîner une rupture d’approvisionnement. Dans le secteur pharmaceutique, elle est définie comme « l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur […] de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures ». Elle peut être imputable à une rupture de stock, qui intervient en amont de sa fabrication, ou à une rupture dans la chaîne de distribution, survenant en aval.
Parmi les causes possibles :
- L’indisponibilité d’un principe actif. Elle peut être due à une défaillance momentanée de sa production car non conforme aux exigences de qualité européennes ; également à des problèmes de transport liés à des difficultés politiques, climatiques ou économiques des pays producteurs ou à une augmentation inattendue de la demande.
- L’indisponibilité d’un médicament liée à des problèmes techniques ou de qualité, des retards d’analyses, des lots non conformes, une baisse du nombre de laboratoires pharmaceutiques capables de fabriquer un médicament ou tout simplement un arrêt de sa production (pour des raisons économiques par exemple).
- Certaines pratiques de distribution peuvent également être en cause dans les ruptures d’approvisionnement comme la limitation des stocks pour améliorer l’efficacité, la constitution de réserves à l’annonce d’un risque de rupture ou d’augmentation des prix d’un produit, ou encore la priorisation de la distribution vers des pays où les prix de vente des médicaments sont plus élevés...
Quels coûts financiers et environnementaux liés à la délocalisation ?
Si délocaliser abaisse les coûts des matières premières et de production, ceux liés au transport s’envolent ! Particulièrement volatiles en période de crise où la capacité est limitée, les prix de l’aérien restent très élevés même si les volumes transportés sont relativement modestes.
Par ailleurs, de nombreux médicaments dits thermosensibles doivent être conservés à basse température. C’est notamment le cas des vaccins ou des produits sanguins labiles. Il convient de maintenir les différentes plages de températures pendant leur transport, surveiller le niveau d'humidité, éviter la rupture de la chaîne du froid à la sortie des entrepôts... De tels conditionnements existent – on parle de conditionnements "intelligents" -, mais ceux-ci se révèlent très énergivores et donc onéreux, particulièrement dans un contexte de forte inflation.
À ces considérations financières s’ajoutent des enjeux environnementaux qui méritent une attention particulière. Afin de limiter l’empreinte carbone liée au transport, notamment celle du transport aérien, des actions telles qu’une optimisation des flux, des packagings, ou encore l’utilisation de carburants plus durables sont nécessaires.
Le rôle des acteurs de la logistique pour améliorer la Supply Chain pharmaceutique
Pour limiter les risques de rupture et répondre aux enjeux économiques et environnementaux, le Président de la République Emmanuel Macron a lancé le Plan Santé 2030 : inspiré du rapport Biot, ce plan prévoit de relocaliser la production de médicaments essentiels soumis à des risques de pénurie, de diversifier les sources de matières premières, de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, de constituer un stock de sécurité minimal [DF1] de 2 mois minimum pour les MITM[DF2] et désormais de 4 mois pour une liste de 422 médicaments.
De leur côté, les acteurs de la logistique pharmaceutique ont un rôle à jouer à plusieurs niveaux :
- En tant que spécialistes dans l’organisation des transports, ils peuvent dispenser des conseils pour optimiser ces derniers, en réduisant au maximum la part des transports de produits pharmaceutiques à vide, par exemple.
- Grâce aux outils digitaux, ils peuvent améliorer la visibilité des flux et des stocks et prévenir les ruptures d’approvisionnement. Ces outils permettent un contrôle automatique d’entrées et de sorties de stock, une organisation des expéditions et de la préparation de commande, ainsi qu’une information actualisée et en temps réel de chaque référence. Ils facilitent les processus et permettent de repérer les risques et dysfonctionnements en amont en déclenchant des alertes "stock bas" 24h/24 et 7j/7. Grâce à la vue d’ensemble qu’ils offrent sur les réseaux d’approvisionnement, ces outils contribuent à optimiser les flux et mieux gérer les risques pour, in fine, tendre vers le zéro défaut.
- Enfin, pour rendre la Supply Chain plus vertueuse sur le plan environnemental, les laboratoires pharmaceutiques ont tout intérêt à mettre en place des solutions collaboratives et circulaires. Par exemple en favorisant le partage d’entrepôts servant de "hub" pour la collecte et de la récupération des emballages en vue d’une réutilisation.
Au-delà des conséquences organisationnelles et financières, les indisponibilités de médicaments mettent à mal la prise en charge des patients. Les acteurs de la Supply Chain n’ont certes pas la main pour lever les nombreux obstacles à la bonne fluidité de la chaîne mais ils peuvent agir sur certaines causes et contribuer à l’amélioration de la chaine d’approvisionnement. À condition, toutefois, d’engager les moyens financiers et humains nécessaires à la mise en œuvre de ces solutions et d’améliorer la communication entre tous les acteurs de la chaîne du médicament.
L’optimisation de la Supply Chain est au cœur des préoccupations de GEODIS dans le monde entier. Ses centres d’excellence implantés en France, aux Etats-Unis, en Chine et Inde, au Mexique ou encore en Serbie, permettent d’offrir aux clients une visibilité de bout en bout, un suivi de la performance et une amélioration continue des processus de la Supply Chain, dans toutes les langues, 24h/24, 365 jours par an.